Quand le soir approchait je descendais des cimes de l’ile et j’allais volontiers m’asseoir au bord du lac, sur la grève, dans quelque asile caché ; le bruit des vagues et l’agitation de l’eau fixant mes sens et chassant de mon âme toute autre agitation la prolongeait dans une rêverie délicieuse ou la nuit me surprenait souvent sans que je m’en fusse aperçu. Le flux et le reflux de cette eau, son bruit continu mais renflé par intervalles frappant sans relâche de mon oreille et mes yeux, suppléaient aux mouvements internes que la rêverie éteignait en moi et suffisaient pour me faire sentir avec plaisir mon existence, sans prendre la peine de penser. Du temps à autre naissait quelque faible et courte réflexion sur l’instabilité des choses de ce monde dont la surface des eaux m’offrait l’image : mais bientôt ces impressions légères s’effaçaient dans l’uniformité du mouvement continu qui me berçait, et qui sans aucun concours actif de mon âme ne laissait pas de m’attacher au point qu’appelé par l’heure et par le signal convenu je ne pouvais m’arracher de là sans effort. Après le souper, quand la soirée était belle, nous allions encore tous ensemble faire quelque tour de promenade sur la terrasse pour y respirer l’air du lac et la fraicheur. On se reposait dans le pavillon, on riait, on causait, on chantait quelque vielle chanson qui valait bien le tortillage moderne, et enfin l’on s’allait coucher content de sa journée et n’en désirant qu’une semblable pour le lendemain telle est, laissant à part les visites imprévues et opportunes, la manière dont j’ai passé mon temps dans cette ile durant le séjour que j’y ai fait. Qu’on me dise à présent qu’il y a la d’assez attrayant pour exciter dans mon cœur des regrets si vifs, si tendres et si durables qu’au bout de quinze ans il m’est impossible de songer à cette habitation chérie sans m’y sentir à chaque fois transporté encore par les élans du désir. […] Tout est dans un flux continuel sur la terre. Rien n’y garde une forme constante et arrêtée, et nos affections qui s’attachent aux choses extérieures passent et changent nécessairement comme elles. Toujours en avant ou en arrière de nous, elles rappellent le passé qui n’est plus ou préviennent l’avenir qui souvent ne doit point être : il n’y a rien la de solide à quoi le cœur se puisse s’attacher. Aussi n’a t’ont guère ici-bas que du plaisir qui passe ; pour le bonheur qui dure je doute qu’il soit connu. A peine est-il dans nos plus vives jouissances un instant ou le cœur puisse véritablement nous dire : je voudrais que cette instant durât toujours ; et comment peut-on appeler bonheur un état fugitif qui nous laisse encore le cœur inquiet et vide, qui nous fait regretter quelque chose avant, ou désirer encore quelque chose après ?
Bonjour, je dois faire un analyse linéaire sur ce texte de Rousseau, les rêveries du promeneur...c'est à dire faire une introduction, placement du texte dans l'œuvre, les mouvements et la conclusion. merci d'avance.